La data pour accélérer la transformation des entreprises : comment et où collecter, où, avec quels outils ?
« Qu’elle soit induite par le marché ou par les clients, ou qu’elle soit induite par la crise sanitaire, cette transformation irrigue tous les niveaux de l’entreprise, jusqu’aux modes de travail. Elle touche au fondement de l’organisation en modifiant la relation entre le collaborateur et l’entreprise, et in fine le sens même du travail. »
Laurence Suprano
Lors du webinar « Accélérez vos transformations grâce à la data ! », Laurence Suprano, Khadija Bourouayel et Sophie Cavaillon de nos practices Data et Change Management ont partagé leur méthodologie pour accélérer et consolider la transformation des entreprises en s’appuyant sur les données internes. Durant cet échange, les intervenantes ont détaillé chaque étape, chaque outil et mesure pour obtenir des données précises sur l’état de l’organisation pour accompagner la transformation et en mesurer les effets.
« La transformation est l’état permanent de l’entreprise », entame Laurence Suprano qui poursuit, « Qu’elle soit induite par le marché ou par les clients, ou qu’elle soit induite par la crise sanitaire, cette transformation irrigue tous les niveaux de l’entreprise, jusqu’aux modes de travail. Elle touche au fondement de l’organisation en modifiant la relation entre le collaborateur et l’entreprise, et in fine le sens même du travail. »
En conséquence, l’entreprise a besoin d’accompagner le changement en permanence et de déployer des organisations apprenantes pour affronter l’incertitude. Dans ce contexte, la donnée est un allié précieux pour accélérer la transformation et aller plus vite dans cette recherche de transformation permanente.
Avant d’entamer le processus de transformation et l’affiner par itération, la première étape consiste bien à identifier les sources où aller puiser la donnée, d’autant plus quand une partie de ces informations ne sont pas livrées sous forme structurée. Ce qui incite dans un premier temps à passer par la case de la théorie des organisations, avant d’interroger les nouveaux modes de travail pour finalement être en capacité d’accompagner les nouveaux modes de travail et la transformation permanente.
Structure formelle et informelle : où est l’information
Comme le rappelle Sophie Cavaillon, structure formelle et informelle cohabitent dans l’organisation.
Dans la première, les éléments sont prescrits et officialisés avec un ensemble de relations entre les unités des organisations. Sur cette structure cadrée, se greffe la seconde, une structure informelle avec des relations hors cadre. Cette organisation informelle d’une part pallie les manques et d’autre part accentue les fonctions positives de la structure.
De fait, l’analyse d’une organisation doit se faire dans sa globalité pour bénéficier d’un maximum d’informations, à la fois sur les process et la communication, vues comme une ressource clé pour rendre le travail plus efficient en optimisant la coordination des tâches. Dans ce cadre, l’analyse de la communication au sein des réseaux informels sont un atout pour au final fluidifier la communication et comme le rappellent Rondeau, Lemelin et Lauzon : « l’information constitue un important moyen de mobilisation à laquelle les gestionnaires ont recours afin de stimuler l’engagement des ressources humaines. »
Analyser ses réseaux pour porter un regard neuf sur l’organisation
Dans un premier temps, il faut donc analyser les flux de communication dans l’entreprise, ce qui met en exergue à la fois des dysfonctionnements dans les réseaux formels, soit un manque de communication ou encore l’isolement de certains collaborateurs et, pour les réseaux informels, les affinités, les groupes d’influence ou affinitaire constitués.
Pour réaliser la conduite du changement, à cette analyse de flux, s’ajoute une phase d’interview et une analyse d’impact pour évaluer qui change concrètement pour les collaborateurs. Une phase en amont de la rédaction de la stratégie de l’accompagnement du changement. À cette étape s’ajoutent en parallèle la collecte et l’analyse des données : étude de l’organigramme pour connaître la structure fonctionnelle de l’organisation d’une part et de l’autre étude des procédures et processus quand ils sont formalisés. Deux études impératives pour comprendre les interactions et modalités de travail.
Cartographier les flux d’emails pour dessiner les interactions
« Pour mémoire, un collaborateur reçoit 88 courriers jour et en envoie 40 en moyenne »
Khadija Bourouayel
Lors de cette phase, « l’enjeu est de capter des éléments informels », rappelle Khadija Bourouayel. Dans ce cadre l’analyse de réseau apporte des signaux faibles, difficile à capter par ailleurs et utile pour déterminer la stratégie d’accompagnement au changement. Concrètement, l’analyse des interactions se fait par l’étude des échanges de mail. « Pour mémoire, un collaborateur reçoit 88 courriers jour et en envoie 40 en moyenne », rappelle Khadija. Pour étudier les flux de ces 120 échanges quotidiens par collaborateurs, nous utilisons l’outil Alteryx qui permet de cartographier les flux d’emails entre collaborateurs et vers l’externe.
À travers cette analyse d’emails, il est possible de capter les profils d’interaction pour optimiser la transformation en fonction des objectifs. Cette compréhension de la structure de l’organisation permet de mettre une loupe sur les échanges et ainsi identifier ce que l’on ne peut percevoir à l’œil nu. « Les conclusions ne sont pas une fin en soi ! » rappelle Khadija. « Elle permet de construire la stratégie du changement, en identifiant des ambassadeurs, selon les moments vérifier les changements et éventuellement corriger ou encore accélérer la diffusion de l’information en identifiant les bons relais ou ambassadeur, ou encore identifier les utilisateurs clés pour amplifier la diffusion d’une nouvelle offre ou nouveau service. »
S’assurer de rajouter du qualitatif au quantitatif
Dans un second temps, il convient de s’assurer que l’évolution des organisations est conforme avec les objectifs de la transformation et le cas échéant adapter les actions de changement.
La seule analyse des flux d’emails est largement insuffisante pour bénéficier d’un panel d’informations exhaustif, d’autant plus dans un contexte pandémique où les échanges sont modifiés. Avec la multiplication des canaux, messageries collaboratives, téléphones, visio, il faut dès lors multiplier les outils de mesure pour étendre cette analyse et capter d’autres informations. L’analyse des réseaux a aussi la limite d’être seulement quantitative., « il faut alors mixer les analyses, avec du qualitatif par exemple un baromètre, le plus souvent réalisé avec des questions fermées. Il faut des questions ouvertes sur lesquelles on peut mettre des outils d’analyse de texte non structuré et en déduire ce qui n’est pas dit de manière explicite », détaille Khadija.
À cela, il est aussi possible d’ajouter le « process mining », qui remonte de la donnée et les interactions pour identifier les goulets d’étranglement et dysfonctionnement au sein des processus. Le process mining permet aussi de comprendre l’organisation au travers des interactions d’un process. Enfin, à ce panel d’outils cartographie réseaux et process mining, nous ajoutons un troisième type d’outil : l’analyse des flux physiques.
Comment et pourquoi analyser les flux physiques dans l’entreprise ?
Avec l’avènement des nouveaux modes de travail et les enjeux associés, analyser les flux physiques apporte une information riche pour accompagner les changements. En effet, l’analyse des parcours des collaborateurs au sein de l’entreprise renforce la compréhension des interactions entre départements, donnent une indication sur les temps de déplacements et tout cela pour in fine optimiser l’occupation des bâtiments et les appariements d’équipes.
Une fois identifiés, ces flux peuvent en effet être agrégées avec des données organisationnelles, des informations issues des échanges sur teams ou autre pour une fois consolidées déterminer des corrélations entre toutes ces informations pour en déduire des axes d’amélioration et nouveaux modes de travail. Par exemple « quels départements doivent absolument être ensemble en présentiel pour ne pas perdre en efficacité ? »
Ce peut aussi être une optimisation des locaux, un trop fort éloignement de départements réduit les interactions. À l’identique, dans le cadre du flex office, il devient possible d’optimiser les jours d’occupation pour favoriser la concentration ou favoriser la présence d’équipes au complet, etc. « In fine, cette analyse doit favoriser de nouveaux modes de travail et, par exemple être l’arbitre entre télétravail et présentiel », détaille Sophie qui poursuit, « Pour réaliser ce type de mesures, nous nous sommes inspirés de ce que nous avons déployé au sein d’un aéroport pour optimiser les flux voyageurs dans l’espace et dans le temps et optimiser les taux de conversion et zone de saturation. »
Évaluer l’état d’esprit des collaborateurs
En complément des méthodes de collecte, nous avons développé Moody, un bot intégré dans teams qui vient toquer de manière aléatoire à votre fenêtre teams pour vous demander comment vous allez.
Khadija Bourouayel
Aux interactions, process et échanges, s’ajoute aussi l’état d’esprit des collaborateurs. Une donnée importante pour l’esprit d’équipe et la performance. D’autant plus depuis la crise sanitaire en mars 2020, période où l’entreprise a dû réinventer les modalités de travail entre collaborateurs du fait du télétravail. Ce changement a été brutal pour les Hommes et l’entreprise avec une disparition des échanges informels.
« En complément des méthodes de collecte, nous avons développé Moody, un bot intégré dans teams qui vient toquer de manière aléatoire à votre fenêtre teams pour vous demander comment vous allez. Cet outil permet d’évaluer de manière ludique l’état d’esprit des collaborateurs de manière non intrusive et individuelle. À l’issue des retours, cela permet de déployer un plan pour accompagner les collaborateurs. Le bot permet aussi de dégager une ambiance générale du groupe et son évolution afin de réagir en fonction », détaille Khadija.
À l’usage, ce robot a permis de prendre conscience de l’importance du paraverbal, impossible à analyser à distance. « Mais Moody nous a permis de capter l’état d’esprit des équipes et par projet d’effectuer une analyse avec un état des lieux au sein d’équipe et potentiellement nous avons pu mettre des actions de cohésion de groupe pour assurer la cohésion d’équipe », explique Khadija.
L’IA pour identifier les émotions et anticiper les besoins d’accompagnement
Au-delà du déclaratif, la prochaine étape est bien celle de la détection et analyse des émotions. « Pour allier plus loin, nous travaillons avec notre LAB IA en partenariat avec l’ISN, sur la Détection de l’état d’esprit et le changement d’émotion dans les conversations », détaille Sophie. « Pour ce faire, nous avons constitué un corpus de données de conversation et leur transcription, leur annotation émotionnelle (positif/négatif/neutre) et, sur la base de ce jeu de données, nous travaillons sur la conception d’un algorithme multimodal pour détecter l’état d’esprit des personnes.
Dans le cadre de l’accompagnement au changement, cette analyse des émotions permet de renforcer l’analyse des feed-back en leur apportant une dimension paralinguistique », explique Sophie. Cela permet de faire une analyse plus fine des feed-back collaborateurs, ce qui ouvre la voie à une foultitude d’applications. Par exemple, dans le cadre de la formation. Ainsi, au sein d’un call center, cette application identifie les points chauds de la conversation, ce peut être un manque de réponse du téléopérateur ou autre. Mais ce point chaud est relevé par une modification des émotions. Dans l’exemple du call center, l’absence de réponse de l’opérateur peut induire un besoin de formation pour anticiper les réponses à des questions ou réactions de l’appelant.
La data pour améliorer la performance.
« Nous l’avons vu la data est multiple, structurée ou non, multimodale, riche, mais dans tous les cas permet d’accompagner la transformation de manière plus profonde qu’avec les méthodes classiques », conclut Laurence Suprano et même s’il reste des défis. La démarche évoquée au travers de ces lignes est en amélioration continue. Nous cherchons au sein d’Axys Consultants à être plus performants et la donnée sert à aller plus loin et, dans ce cadre, la recherche nous permet d’obtenir une profondeur. Il nous faut rester en veille pour détecter des outils possibles pour accompagner le changement, par exemple le parcours voyageur appliqué au collaborateur. « Tout en étant vigilant sur un élément essentiel : la symétrie des attentions entre ce que l’on fait pour améliorer l’expérience client et ce que l’on attend du collaborateur pour que son expérience soit la meilleure possible », précise Laurence.
Bien entendu, il faut avoir un rapport éthique à la data et les traitements doivent être compatibles avec RGPD. Dans le cadre de nos accompagnements, les données sont anonymisées et privées et les traitements déclarés à la CNIL. Ces recherches et les accompagnements doivent être réalisés dans le respect des personnes, avec bienveillance et en concertation avec les partenaires sociaux pour que cela reste éthique.
Dans notre approche, la donnée est bien à la fois source et génératrice de changement dans les organisations. Mais elle peut aussi contribuer à désiloter les organisations et à réinventer les business models grâce à la data. Ce qui sera l’objet de notre prochain webinaire et article 😊