Le service client géré par l’IA selon Anna Mounier et Lionel Charbin, Co-fondateurs et consultants associés de SMILAB
En se basant sur l’étude élaborée avec Easy Front autour du thème de l’IA et du service client, nous nous sommes intéressés à la vision qu’ont les managers d’entreprises de l’Intelligence artificielle, et plus précisément sa façon de gérer le service client.
C’est aujourd’hui l’avis de Anna Mounier et Lionel Charbin, co-fondateurs et consultants associés de SMILAB, qui nous intéresse.
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Le service client est un point névralgique dans toute organisation. On connaît tous les conséquences néfastes engendrées par un client non satisfait. A votre avis, quel est le premier challenge que le service client doit relever (que ce soit en termes de moyens/ressources humaines, d’organisation, management …) ?
Nous sommes dans un contexte de crise, inédit de par son ampleur. Dans l’immédiat, les priorités des entreprises sont d’ordre économique et financier avec, espérons-le, une prise en compte des collaborateurs dont la bonne santé est et sera fondamentale pour la reprise.
Dans ce contexte, la tentation peut être grande d’avoir une approche « ROIste », le service client devant prouver qu’il rapporte plus qu’il ne coûte. La Qualité de Service risque d’être reléguée au rang de sujet moins prioritaire en ces temps de « réduction de voilure » et de réorganisation.
Notre avis :
Compte-tenu des bouleversements de nombreux secteurs d’activité, une haute Qualité de Service devra être un élément-clé de la proposition de valeur de l’entreprise. L’Orientation Client devra être tangible et se traduire dans la relation de l’entreprise avec ses clients.
Le Service Client sera par conséquent clé pour atteindre cet objectif ambitieux.
De par la dureté du contexte lié au COVID-19, les collaborateurs de Service Client peuvent vivre des situations encore plus génératrices de stress et de pression. Plus que jamais, il conviendra de bien veiller à ce que la « boîte à outils » des collaborateurs soit bien fournie : outils numériques, outils sous forme de « softskills », connaissances métiers et comportementales pour une expérience client optimale avec bien sûr, le support de l’entreprise et de l’encadrement.
Concernant les softskills et compétences comportementales, savoir maîtriser ses émotions : « je comprends ce que je vois et entends, et je sais y répondre de manière adaptée en conformité avec les règles de mon organisation et en accord avec moi-même » nous paraît fondamental. Ceci est brillamment démontré par Hélène MONIER dans l’article « Réguler ses émotions dans son travail : le cas des policiers de la BAC » basé sur sa thèse.
On constate qu’il y a aujourd’hui 35 % de chatbots implantés dans les services client dans les entreprises mais qu’ils déçoivent (17,5 % d’insatisfaits). A votre avis à quoi cette déception est-elle due ? Avez-vous une expérience à titre personnel d’échange avec un chatbot qui a été satisfaisante ou inversement ?
L’expérience avec le chatbot dépend des objectifs, cas d’usage et moyens que l’entreprise a définis en amont. Le secteur d’activités peut également influer : la livraison de colis ou le choix d’un voyage ne suscitent pas les mêmes interactions.
L’aisance de l’usager, son niveau de connaissances digitales peut jouer également : une personne peu habituée peut être perdue, surprise devant un chatbot qui « surgit » dans un coin en demandant « comment puis-je vous aider ? »;).
J’ai été très impressionnée par le chatbot d’actualités Freshr (Freshr a fermé ses portes fin 2019). Je le trouvais très pédagogue et humoristique avec des propositions de quizz basés sur l’actualité.
J’ai trouvé inefficace et source de perte de temps le chatbot d’une agence de voyages en ligne, même si avec la crise sanitaire, je peux comprendre que le fonctionnement ne soit pas nominal. Le cas de figure étant que je souhaitais avoir des informations sur les conditions d’annulation d’un vol auquel le chatbot me proposait d’accéder au statut des prochains vols !
De manière générale, je pense que la communication doit être transparente et précise pour permettre de décider de continuer ou d’arrêter l’échange. J’apprécie la possibilité d’être mise en relation avec un « humain » lorsque la situation n’évolue plus. Je pense également qu’il est acceptable que le chatbot réponde « qu’il ne sait pas », comme dans la vraie vie.
La formulation de sa requête peut également être un effort pour l’utilisateur qui, soucieux d’être compris, adaptera son mode d’expression habituel à ce qu’il pense être du « langage chatbot ».
Lors d’un entretien, détecter que le client commence à être excédé, et envisage de quitter la marque apporte un grand bénéfice. Dans ce cas, donner la possibilité au Conseiller d’adapter sa réaction est majeur pour éviter la perte du client.
Dans l’étude on constate qu’il y a 25 % de solutions pour analyser les sentiments qui sont déjà implantées mais avec 15 % d’insatisfaits contre 5 % de satisfaits. Pensez-vous que cette solution est appelée à se développer ? Si oui pourquoi ?
Notre domaine d’expertise chez Smilab est la dimension humaine donc l’analyse des sentiments nous parle ;). Notre réponse est donc sous un angle « point de vue Client » et non technique.
Plus précisément, nous pensons que l’analyse des sentiments apporte des informations intéressantes.
Lors d’un entretien, détecter que le client commence à être excédé, et envisage de quitter la marque apporte un grand bénéfice. Dans ce cas, donner la possibilité au Conseiller d’adapter sa réaction est majeur pour éviter la perte du client.
L’analyse des interactions de tout ou partie d’un Service Client est une mine d’informations si elle permet d’analyser en profondeur l’expérience vécue par les clients, pour ensuite prendre des décisions d’organisation, commerciales, marketing le cas échéant.
Dans l’étude, ce sont les solutions d’automatisation qui sont les plus satisfaisantes (génération automatisée du compte-rendu des échanges avec les clients : 12,5 % de satisfaits vs 5% d’insatisfaits ; l’automatisation de l’analyse des scripts des conseillers et retranscription écrite 10 % de satisfaits et 5 % d’insatisfaits. A votre avis, pourquoi ce succès ?
L’automatisation peut libérer du temps pour le Conseiller et lui permettre de se consacrer à des activités plus complexes. La mesure du niveau de satisfaction client en temps réel est également un avantage, car elle est un signe de reconnaissance pour le Conseiller.
Plus globalement, le fait d’agir plus rapidement et d’être plus réactif grâce à l’automatisation est un bénéfice significatif pour le Collaborateur et pour l’Entreprise.
Enrichir la mission du Conseiller est également une piste à approfondir pour rendre plus attractif le métier pour ceux(celles) déjà en poste d’une part, et les candidat(es) potentiel(le)s d’autre part.
Si vous ne deviez retenir qu’une solution d’IA à implantée dans un service client quelle serait-elle et pourquoi ?
Question très opérationnelle pour Smilab !
Néanmoins, nous pensons que tout dépend du contexte de l’organisation : taille, marché, positionnement sur le marché vs les autres acteurs, écosystème, niveau de maturité en termes d’expérience client…en agrégeant tous ces facteurs, en fonction des objectifs recherchés, l’IA sera définie en prenant en compte tous ces éléments.
Une bonne cohabitation de l’Humain et du Digital est la panacée.
57,5 % des répondants à l’étude sont d’accord avec le fait qu’une demande traitée par un conseiller donnera toujours de meilleurs résultats que si elle est traitée par un chatbot. Le pensez-vous également ? Si oui qu’est ce qui fait qu’un humain est plus apte à répondre qu’un chatbot ? Sinon en quoi un chatbot est-il plus fiable qu’un humain pour répondre ?
Bis répétitas, notre domaine d’expertise chez Smilab est la dimension humaine alors nous pourrions être tentés de répondre que le traitement par le Conseiller sera toujours meilleur que par un chatbot.
Eh bien, non !
Nous mettons le Conseiller au cœur de nos réflexions et actions : nous sommes, par conséquent, partisans de toute ressource améliorant, augmentant l’Autonomie, et la Responsabilisation du Conseiller.
Pour des tâches à faible valeur ajoutée, le chatbot a certainement un taux de fiabilité supérieur puisqu’ « alimenté » de data dans des volumes massifs.
Par contre, nos émotions, nos envies, nos doutes, notre capacité à rentrer en relation avec l’Autre, notre Humanité sont irremplaçables et pour faire bénéficier le Client de cette Valeur, dans des situations plus complexes, le Conseiller est selon nous « champion toutes catégories ».
En résumé, une bonne cohabitation de l’Humain et du Digital est la panacée.
Pour conclure nous souhaitons attirer l’attention sur 2 points qui sont primordiaux :
- Objectifs de l’entreprise alignés et communs au Marketing/Vente/Service Client : le fameux « Break the Silos » nous semble être un sujet important car un projet ambitieux et stratégique sans participation de l’ensemble de l’organisation a peu de chance d’exister, durablement. Cela implique qu’il y ait un sens commun, une vision partagée de tous, ce qui nécessite de l’accompagnement.
- Ce que le niveau d’accessibilité à un contact humain ou un bot, dit d’une entreprise (cf le site MANUTAN avec le mail en clair de sa Directrice Générale). A l’inverse, en l’absence de numéro de téléphone, ni d’email etc… => message perçu : peu ou pas d’orientation client.