Hyper-personnalisation et intelligence artificielle : il faut sauver le soldat CMO !
Le directeur marketing se doit de fournir une expérience client à hauteur des promesses de la marque et de surfer sur la vague de l’intelligence artificielle pour y arriver.
L’essor du multicanal et des changements de comportements de consommation nécessitent, pour créer de la valeur, de passer à l’étape de l’hyperpersonnalisation. Une nécessité pour conquérir et satisfaire un client toujours plus exigeant et contradictoire dans ses attentes. S’il souhaite une relation personnalisée avec la marque sous peine d’aller voir ailleurs, il est à contrario souvent réticent à l’idée de partager ses données et suspicieux quant à l’usage qui en sera fait. L’arrivée de la RGPD et de la pression commerciale exacerbent d’autant cette réticence à partager ses données.
Pour pallier cet écueil, le CMO pensait trouver son salut dans les outils tels que les DMP louées par les éditeurs. Las. La réalité constatée de nos clients est celle de micro-segmentation des audiences, un retour sur -un lourd- investissement négligeable et souvent un retour à la case départ faute d’efficience. Le mirage des données issues d’acteurs tiers (les third party data) a lui aussi fait long feu. Reste pour se consoler le travail à réaliser sur les données internes collectées au fil des interactions sur les multiples points de contact.
La revanche des métiers techniques
Pour ce faire, dans un monde idéal, le directeur marketing puise dans la donnée utile, stockée dans un Data Lake ou une BDD et fait appel à l’intelligence artificielle pour créer de bons segments afin d’adresser le bon message au bon moment par le canal approprié selon le contexte du parcours client, etc. Dans la réalité, nous constatons que le CMO jongle parfois encore avec de nombreux fichiers issus de sources hétérogène en attendant que les investissements dans les solutions et infrastructures fassent leur effet, pour toucher efficacement les intentionnistes et étendre l’audience à des profils similaires.
Si l’objectif de l’hyperpersonnalisation assigné au directeur marketing est légitime, miser au nom de son métier sur l’idée qu’il est suffisamment qualifié pour mener seul ce projet est un pari perdu. Sa connaissance et compréhension du client est avérée, mais malgré une augmentation des budgets , 30% en 2019, et outils MarTech à disposition, l’implémentation technique et l’exploitation de ces outils restent le plus souvent entre les mains de la DSI. Outre la maîtrise des outils, des analytiques et autres infrastructures, c’est aussi la DSI qui détient la clé du coffre des données, le plus souvent réparties en silos.
L’IA peut-elle sauver le directeur marketing ?
Des silos qui expliquent d’ailleurs souvent l’échec des mises en œuvre de solution d’hyperpersonnalisation. Que ce soit pour de la recommandation ou du ciblage, l’intelligence artificielle a besoin d’être abreuvée de données sous peine d’être inopérante et décevante. Démonter les silos, se connecter aux bases disponibles de manière sécurisée à distance, mettre en œuvre des architectures parallèles, maîtriser la chaîne de bout en bout est bien un projet structurant aux multiples parties prenantes et aux contours métiers parfois flous : qui fait quoi alors que les périmètres fonctionnels et métiers se chevauchent dans la grande confusion numérique.
S’acculturer pour ne pas tuer l’IA dans l’œuf
Face à ces enjeux, le CMO ne peut pas être laissé seul. Opérer des choix, expliquer et justifier ses décisions implique une profonde connaissance de chacune des couches mises en œuvre et moyens à utiliser. Les outils sont matures, les infrastructures disponibles, mais en tant que projet structurant, sa menée à bien nécessite une approche collective avec toutes les parties prenantes (IT, revenue manager, product manager, etc.), une définition claire des périmètres de chacun et un effort à l’échelle de l’entreprise pour alimenter l’expérience client.
Nous avons trop vu de projets aux KPIs décevants faute de remplir toutes les conditions. La désillusion imputée le plus souvent à l’inefficacité des solutions est plus généralement le fait d’un manque de maturité technique et d’un défaut organisationnel. Pour éviter cette courbe de déception et un rejet de l’IA avec l’eau du bain de l’expérience client, l’accompagnement et l’acculturation technique du CMO est une nécessité. La conciliation avec la DSI indispensable.
Article paru dans le Journal du Net, rédigé par Jean-Luc Marini (directeur du Lab IA d’Axys Consultants) en collaboration avec Julien Samarcq (directeur de la Practice Marketing & Commerce d’Axys Consultants).