[Interview] Le service client géré par l’IA selon Julien Rio, Senior Director of Marketing chez Ring Central

En se basant sur l’étude élaborée avec Easy Front autour du thème de l’IA et du service client, Axys Consultants s’est intéressée à la vision qu’ont les managers d’entreprises de l’Intelligence artificielle, et plus précisément sa façon de gérer le service client.

C’est aujourd’hui l’avis de Julien Rio, Senior Director of Marketing de Ring Central, qui nous intéresse.

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Le service client est un point névralgique dans toute organisation. On connaît tous les conséquences néfastes engendrées par un client non satisfait. A votre avis, quel est le premier challenge que le service client doit relever (que ce soit en termes de moyens/ressources humaines, d’organisation, management …) ? 

Je remarque que l’étude précise que les clients privilégient encore le téléphone à 45%, que l’omnicanalité n’est pas très répandue et que 31% des services clients organisent encore leurs équipes en silos, en fonction du canal. Pour moi, tous ces éléments sont étroitement liés.

J’aime observer les évolutions en Asie, car nous avons en général 2 à 5 ans de retard sur eux en termes de communication: WhatsApp, SnapChat, messages-voix, TikTok, toutes ces évolutions de nos habitudes étaient présentes en Asie bien avant d’être la norme en France. En les observant, on peut prédire l’avenir pour nous également.

L’avenir est fondamentalement digital – j’ai pu observer plusieurs opérateurs télécoms à travers le monde inverser totalement la tendance et désormais gérer beaucoup plus de messages digitaux que d’appels entrants. Alors pourquoi n’est-ce encore que peu le cas en France ?

Certainement parce que nous ne sommes pas préparés. Les clients préfèrent le digital lorsqu’il devient plus pratique, plus rapide : les silos cassent cette dynamique et découragent les utilisateurs.

Le premier challenge n’est d’embrasser véritablement le digital, mais de le faire en organisant ses équipes non pas par canal mais par expertise : peu importe le canal, créez des équipes spécialisées dans la facturation, d’autres dans l’accompagnement technique, etc. et distribuez vos message en fonction de la problématique pour permettre une expérience client homogène à travers les différents canaux. L’omnicanalité, c’est un choix.

On constate qu’il y a aujourd’hui 35 % de chatbots implantés dans les services client dans les entreprises mais qu’ils déçoivent (17,5 % d’insatisfaits). A votre avis à quoi cette déception est-elle due ? Avez-vous une expérience à titre personnel d’échange avec un chatbot qui a été satisfaisante ou inversement ?

Les chatbots sont souvent décevants parce que les entreprises sont trop gourmandes et souhaitent que les chatbots puissent tout faire. Lorsque je souhaite poser une question sur un site web et que c’est un chatbot qui me répond, je sais que je vais être déçu 9 fois sur 10.
Un bon chatbot est un chatbot expert, pas un généraliste. N’allez pas voir votre dermatologue pour lui parler de votre rhume, l’expérience ne sera pas satisfaisante. Il en est de même pour les chatbots : plus ils sont spécialisés, meilleurs ils sont – dans leur domaine.  Un chatbot qui gère les inscriptions, les problèmes liés à la facturation, à la perte de mot de passe, sera certainement excellent une fois installé sur le bon parcours client, dans le bon contexte. A l’inverse, le chatbot généraliste installé sur la page d’accueil et censé répondre à tous types de questions sera invariablement décevant, parce qu’il y a trop de possibilités pour qu’il sache répondre.

Au delà de la spécialisation, la bonne approche est d’annoncer la couleur. Votre chatbot devrait se présenter et expliquer clairement sur quels sujets il va pouvoir vous aider et proposer des alternatives si la question ne concerne aucun de ces sujets.

Dans l’étude on constate qu’il y a 25 % de solutions pour analyser les sentiments qui sont déjà implantées mais avec 15 % d’insatisfaits contre 5 % de satisfaits. Pensez-vous que cette solution est appelée à se développer ? Si oui pourquoi ?

L’analyse de sentiment, tout comme la technologie NLP (Natural Language Processing) utilisée par les technologies chatbots les plus avancées, est encore en phase d’apprentissage.

Nous sommes humains, équipés de cerveaux et de sentiments, d’une expérience personnelle, nous avons les mots, mais également le ton, l’expression faciale et corporelle, et pourtant nous ne pouvons pas toujours déceler le sarcasme, l’ironie, ou discerner l’impatience de l’énervement, la fatigue de l’innintérêt. Alors imaginez les difficultés qu’une machine, qui n’a ni sentiment, ni expérience propre, qui n’a que les mots, sans l’expression du visage ou du corps, peut faire. Certes, il s’agit d’intelligence artificielle et de technologies complexes, mais elles ne sont pas parfaites.

Ces solutions va bien évidemment se développer et elles sont généralement conçues sur des principes de “machine learning” qui s’améliorent au fur et à mesure qu’elles absorbent de l’information.

En attendant, il faut voir ces technologies pour ce qu’elles sont : une aide précieuse, pas un remplacement de l’humain.

 Une aide précieuse, pas un remplacement de l’humain

Dans l’étude, ce sont les solutions d’automatisation qui sont les plus satisfaisantes (génération automatisée du compte-rendu des échanges avec les clients : 12,5 % de satisfaits vs 5% d’insatisfaits ; l’automatisation de l’analyse des scripts des conseillers et retranscription écrite 10 % de satisfaits et 5 % d’insatisfaits. A votre avis, pourquoi ce succès ?

Les technologies qui apportent le plus de satisfaction sont celles qui doivent “faire” et non “comprendre”. Générer un compte rendu d’interaction ne nécessite pas de comprendre l’esprit humain, à l’inverse des technologies d’analyse de sentiments, et par conséquent le taux d’erreur est beaucoup plus faible.

De plus, ces technologies, comme les chatbots bien construits, permettent de retirer une charge de travail à faible valeur ajoutée (tâches répétitives qui ne demandent pas de réflexion particulière) du périmètre des agents qui peuvent dès lors se concentrer sur des tâches plus intéressantes permettant de s’épanouir et d’être stimulé intellectuellement, ce qui explique un taux de satisfaction plus élevé.

Si vous ne deviez retenir qu’une solution d’IA à implantée dans un service client quelle serait-elle et pourquoi ?

L’analyse et la distribution des messages automatisée est la première et la plus importante technologie dans le centre de contact parce que tout en découle. Elle permet de briser les silos de canaux, d’augmenter l’efficacité des chatbots, de faire gagner du temps aux agents et aux clients, de diminuer les transferts, d’avoir des analytics plus précis, etc.

Tant que cette partie n’est pas parfaitement automatisée, les autres technologies n’ont que peu d’importance : il vaut mieux construire les fondations de sa maison avant de poser le toit.

57,5 % des répondants à l’étude sont d’accord avec le fait qu’une demande traitée par un conseiller donnera toujours de meilleurs résultats que si elle est traitée par un chatbot. Le pensez-vous également ? Si oui qu’est ce qui fait qu’un humain est plus apte à répondre qu’un chatbot ? Sinon en quoi un chatbot est-il plus fiable qu’un humain pour répondre ?

Tout dépend du contexte. Si l’on parle “en général”, je suis entièrement d’accord : un agent humain sera toujours plus capable de répondre et saura trouver la réponse lorsqu’il ne la connaît pas.

Dans un contexte précis cependant, la question peut se poser. Un chatbot pourra recracher une procédure plus rapidement et plus facilement qu’un agent humain. Si l’on prend l’exemple typique de “j’ai oublié mon mot de passe”, pourquoi passer par un humain qui n’a aucune valeur ajoutée et le forcer dans une conversation digne du Fordisme alors qu’un chatbot pourrait très bien s’en occuper plus rapidement ?

Pour cette raison, le triage en amont est essentiel : il faut pouvoir identifier la catégorie de question (facturation / technique / niveau 1 / promotion / etc.) puis la router automatiquement vers le bon agent ou chatbot, et ce indépendamment du canal. Gardons à l’esprit que nos clients souhaitent des réponses précises et rapides, peu importe le canal utilisé et peu importent nos process internes.

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