L’intelligence géographique : la brique manquante dans l’analyse des données ?

L’essentiel des décisions de l’entreprise se fonde sur le qui et le combien. Plus rares sont les entreprises à prendre en compte le « où ». Pourtant, les données liées à la dimension géographique et spatiale sont un vrai levier de performance, surtout si l’analyse est aidée par l’IA.

Avant, la donnée géographique était une information comme une autre. Son rôle dans l’optimisation de la performance était souvent mineur faute de pouvoir traiter avec pertinence et rapidité la masse de données géospatiales. Les quelques SIG (système d’information géographique) à disposition étaient réservés à des secteurs très spécifiques : la météorologie, le spatial, la cartographie entre autres.

L’évolution du big data et de l’intelligence artificielle met désormais ces traitements à la portée des entreprises et en fait un outil de prise de décision et de rentabilité avérées. Baptisées intelligence géographique, les déclinaisons opérationnelles de ces techniques touchent quasiment tous les secteurs où la dimension géospatiale peut être un levier d’optimisation. De manière évidente, il est facile de penser à des secteurs comme la logistique, l’optimisation des campagnes publicitaires, le ciblage des zones à risques, l’optimisation des itinéraires ou la sectorisation des forces de vente etc.

Cette ouverture vers de nouveaux horizons est largement apportée, outre par la capacité de calcul, par une approche prédictive rendue possible par l’algorithmie du machine learning et deep learning. Cette prédictibilité change la donne pour les entreprises en trouvant des applications très pragmatiques pour prendre des décisions avec un impact immédiat pour leur rentabilité.

Comment oublier et retrouver le client

A titre d’exemple, nous travaillons actuellement avec une zone aéroportuaire afin d’étudier les différents flux quotidiens en vue d’optimiser la chaîne complète. Dans ce type de lieux, chaque métier possède une vision de ses propres données : le flux des bagages, des décollages et atterrissages, le taux de remplissage et mouvement au sein des parking… paradoxalement, il manque cruellement une vision à 360° du voyageur, pourtant au centre du dispositif.

Dans une zone aéroportuaire, les déplacements du voyageur dépendent de nombreux facteurs et chaque aléa, par exemple un retard d’avion, a un impact immédiat sur les déplacements et les zones d’occupation et une incidence forte sur les différentes activités au sein de l’aérogare. En analysant les flux sur une longue période et aux différents niveaux du bâtiment, les informations recueillies peuvent avoir une utilité immédiate pour les différents métiers, en fonction de leur objectif fonctionnel. Ce peut être :

  • Pour un commercial de prouver la pertinence ou démontrer le coût d’implantation d’un magasin,
  • Aider les métiers de l’ingénierie à partir des observations de déplacement,
  • Améliorer l’expérience voyageur en fluidifiant le parcours et en réduisant les temps d’attente…
  • Canaliser les flux pour optimiser le C.A en fonction des temps d’attente et densité d’occupation,
  • Etc.

Passer de l’imagination à la connaissance

On le voit, dans ce cas précis, une fine analyse géospatiale a un effet immédiat sur la prise de décision pour chacun des métiers. Une information rendue tangible grâce à un modèle d’analyse fondé sur un suivi de chacun des passagers et croisé dans un second temps avec les données disponibles par ailleurs.

Il y a de nombreuses analyses désormais rendues possibles. Par exemple, si une chaîne de magasin de sport souhaite ouvrir de nouvelles enseignes thématiques. Nous nous appuierons sur un modèle de scoring assez classique fondée sur la population présente, le maillage des transports, mais cela est insuffisant. En rajoutant une notion d’attractivité en s’appuyant sur l’observation et mesure de tendance, cela crée un modèle nouveau et complémentaire qui permettra d’investir dans l’ouverture d’un lieu avec plus de sérénité.

Les cas d’usages sont parfois plus classiques, mais restent tout aussi complexes. Le fameux problème du voyageur de commerce appliqué à la tournée du courrier est un cas typique d’application de ce type de concept. Supposons que la Poste souhaite réduire de moitié le temps de passage du facteur avec une contrainte de lettre prioritaire à distribuer impérativement sur toute la zone ? La problématique devient plus intéressante à traiter, et revient là aussi à une gestion des flux sous contrainte.

Un défi intellectuel permanent

Avec les capacités de traitement disponibles, IA, ML, deep learning, data visualisation, analyse sémantique pour rechercher les bonnes données, nous avons à disposition une foultitude d’outils pour optimiser les performances.

Reste le principal défi : comment faire ? L’analyse géospatiale est passionnante, mais demande une véritable réflexion à la fois pour bien poser le problème ou la question et, dans un second temps pour proposer les bons indicateurs et la bonne visualisation pour prendre la bonne décision.

Le champ de l’intelligence spatiale motorisée par l’évolution de l’intelligence artificielle ouvre d’immenses perspectives pour les entreprises. À condition de se poser les bonnes questions.

Article paru dans le Journal du Net, rédigé par Jean-Luc Marini (directeur du Lab IA d’Axys Consultants) en collaboration avec Sonia Wei Leboucher (Manager, Head of Data Science chez Axys Consultants).